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Pierre Vermeren, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Mardi 30 juillet 2024, après sept années passées à la tête de la République française, le président français Emmanuel Macron a adressé une lettre personnelle au roi du Maroc, Mohamed VI, à l’event des festivités du vingt-cinquième anniversaire de son règne.
Outre les félicitations d’utilization, Macron, rompant avec sa place de grande prudence sur ce file, a déclaré que le plan marocain de giant autonomie au Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine était désormais pour la France, non seulement la seule base de négociation valable (devant l’ONU en cost du règlement de ce conflit depuis 1991), mais de surcroît que le Sahara ex-espagnol, dès maintenant et à l’avenir, serait considéré par la France comme related de la souveraineté marocaine.
Un conflit cinquantenaire
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Le conflit dit du Sahara occidental est désormais cinquantenaire : il a pour objet un territoire de 220 000 km2 que se disputent le Maroc et le Entrance Polisario soutenu par Alger, et il a a donné lieu à un conflit armé ouvert de 1975 à 1988. Le plan “de giant autonomie au Sahara” occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine a été proposé par le Royaume en avril 2007. La France du mandat finissant de Jacques Chirac (1995-2007), puis celle de Nicolas Sarkozy (2007-2012) l’avaient parrainé et soutenu. Mais entre-temps, si la France – qui a toujours été aux côtés du Maroc dans le cadre de ce conflit – est restée fidèle à sa place initiale, elle l’a à tout le moins mis en sourdine.
En effet, les présidents François Hollande (2012-2017) et Macron (depuis 2017) ont tenté de renouer une relation bilatérale forte avec Alger, en vue d’une réconciliation franco-algérienne. Cela impliquait, dans le délicat jeu de steadiness franco-algéro-marocain, de prendre un peu de champ sur le file saharien. Par ailleurs, pour des raisons diverses et ayant peu à voir avec le file saharien, la relation bilatérale franco-marocaine est entrée en 2014 dans une crise sturdy et profonde. Celle-ci a atteint son acmé en septembre 2023, après que le tremblement de terre de Marrakech a révélé au monde la fin de non-recevoir marocaine aux propositions d’help française, un camouflet pour Paris qui a attisé jusqu’au sommet des deux États des relations électriques.
Or près d’un an plus tard, Macron confirme non seulement le ralliement ancien de la France à la place marocaine, pour la plus grande satisfaction de Rabat, mais il affirme aussi l’exclusivité du plan d’autonomie comme base de négociations. Macron n’a pas rompu avec la légalité internationale, puisque l’ONU reste le maître d’œuvre du file. C’est donc une nouveauté relative. Mais la France n’avait jamais acté la “souveraineté” marocaine dans les mots. Pourquoi la place française ainsi réactivée a-t-elle réjoui Rabat – dès le lendemain le roi du Maroc a écrit à Macron pour se féliciter de cette annonce et l’inviter au Maroc – et suscité une levée de boucliers en Algérie ?
Alger a immédiatement rappelé son ambassadeur à Paris et laissé entendre que la visite en France du président Abdelmadjid Tebboune en octobre était annulée. Et qu’est-ce qui a soudain incité Macron à changer de partenaire principal au Maghreb ? Automobile c’est bien à cela qu’aboutit ce choix.
Mes recherches portent sur l’histoire du Maroc contemporain, l’histoire des élites maghrébines et l’histoire religieuse et politique du monde arabo-berbère contemporain, entre autres. Au cours de dernières années, j’ai consacré de nombreux articles et ouvrages à la politique extérieure du Maroc, à la rivalité historique entre le Maroc et l’Algérie ainsi qu’à la relation franco-marocaine. Dans cet article, je tente d’apporter des éléments de réponse aux questions soulevées plus haut.
Alpha et omega de la politique internationale de Rabat
Lorsque Jacques Chirac a appuyé, en avril 2007, le plan marocain de giant autonomie, il s’agissait d’une place avancée par rapport aux autres puissances. Or entre-temps, d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Espagne, sont allés plus loin que la France dans le soutien à la place marocaine. Surtout, en décembre 2020, en échange du soutien du Maroc aux accords d’Abraham, les États-Unis et Israël ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara ex-espagnol -dont Rabat contrôle et occupe 80 % du territoire. Ce ralliement du Maroc à la reconnais sance de l’État d’Israël, et l’ouverture de relations diplomatiques et de coopération entre les deux pays ont exaspéré l’Algérie, qui a rompu ses relations diplomatiques avec Rabat à l’été 2021. La frontière terrestre des deux pays est fermée depuis 1994.
Ainsi, la place française pro-marocaine de 2007 était dépassée par celle de ses plus proches alliés occidentaux. Or la France sortant d’une longue période de crise avec son traditionnel allié marocain, Mohamed VI a posé comme préalable à la reprise d’une coopération de haut niveau -le fameux “partenariat d’exception” – que la France rejoigne le peloton de tête de ses soutiens sur ce file, que Rabat considère comme l’alpha et l’oméga de sa politique internationale.
En actant l’exclusivité du plan de giant autonomie, le président Macron a répondu à la demande pressante du Maroc. La brouille entre les deux pays n’était pas uniquement diplomatique, mais d’abord personnelle entre leurs deux cooks d’État. Après plusieurs années de crise entre les deux pays, la brouille a pris un caractère personnel sous Macron qui aime placer les relations bilatérales sur un plan affectif avec ses homologues.
Celui-ci a tenté une relation de grande proximité avec Tebboune. Cela a exaspéré Rabat qui estimait que l’on ne s’éloigne pas de ses amis pour se rapprocher d’une puissance hostile. Macron a assumé cet éloignement avec Rabat pour se rapprocher d’Alger. Mais secoué par le Hirak – un mouvement de contestation -, Alger a choisi en 2021 de rompre brutalement ses relations diplomatiques avec Rabat après les accords d’Abraham.
Enfin, au cours du même été, la révélation par les providers de renseignements français que le programme Pegasus, conçu en Israël, avait permis aux providers marocains d’écouter des milliers de hautes personnalités algériennes et françaises durant le Hirak algérien, a poussé Macron à demander des explications au roi Mohamed VI. Une dialog peu amène s’en est suivie… l’un accusant l’autre de mensonge. Une manière de faire jugée inacceptable à Rabat.
Déceptions de Paris
Ensuite, Emmanuel Macron a eu le sentiment d’être allé au bout des possibilités de sa relation avec Alger. Quel résultat après des années d’attentions et de propositions aimables, d’invites (le voyage du président Tebboune en France a été repoussé plusieurs fois), de messages de repentir (dès 2017, la colonisation assimilée à un “crime contre l’humanité” par Macron) ? Beaucoup de déceptions politiques et économiques (Alger achète ses armes à Moscou et réalise ses grands contrats d’équipement avec la Chine), sans parler du soutien algérien à la Russie dans les conflits d’Ukraine ou du Sahel, et au Hamas et à l’Iran face à Israël…
Les positions françaises devenaient illisibles. En revenant à l’amitié marocaine, Macron tente-t-il pour autant son fameux “en même temps” ? On ne peut l’exclure, même si la réaction d’Alger augure mal du processus en cours avec ce pays.
D’autres éléments ont potentiellement été mis dans la steadiness par le Maroc, comme la grâce accordée lors de la fête du Trône, le 30 juillet, aux quatre journalistes et intellectuels marocains – dont l’historien franco-marocain Maâti Monjib – emprisonnés au Maroc. En effet, il a souvent été reproché à Emmanuel Macron d’oublier la query des droits de l’homme en Afrique, et cette libération de prisonniers politiques libère l’espace de la relation bilatérale.
Enfin, cette reconnaissance correspondait aux 25 ans de règne de Mohamed VI, anniversaire qui risquait d’être occulté par les Jeux olympiques. La France de Macron a offert un de ses vœux les plus chers au monarque.
Fondamentaux diplomatiques
En définitive, la France semble revenir à ses fondamentaux diplomatiques dans cette région. Plus que jamais, la politique extérieure de la France se décide à l’Élysée, et les parlementaires ne semblent pas être intervenus à aucun second dans ce processus. Il ne fait guère que de doute que le Quai d’Orsay – ministère français des Affaires étrangères – est en partie satisfait de ce rapprochement qui rejoint sa diplomatie ancienne, tant les positions diplomatiques tranchantes de l’Algérie avec celles de la France sur de nombreux domaines essentiels étaient problématiques.
Il n’en reste pas moins que Paris ne peut pas se brouiller avec Alger après s’être rapproché de Rabat, et qu’un modus vivendi complexe s’impose entre les trois pays pour cogérer des dossiers très sensibles, qui vont de l’islam de France aux flux migratoires méditerranéens, en passant par la scenario conflictuelle qui cerne le Maghreb au Sahel et en Libye.
Pierre Vermeren, Professeur des universités, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Cet article est republié à partir de The Dialog sous licence Inventive Commons. Lire l’article unique.
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